DECLARATION D’INDEPENDANCE ?
Alors que l’activité médiatique de ces dernières semaines nous parle de « processus vers l’indépendance » de la Catalogne, je me suis posé la question d’une application à l’Eglise catholique, dans le concert des religions ou des philosophies que compte notre pays, l’Europe, le monde entier. Sans prendre part à un débat politique sur lequel je n’ai pas d’expertise, je me dis cependant qu’on peut faire des parallèles avec la sphère chrétienne.
Notamment, le parallèle avec le débat entre ce que le pape appelle la « pastorale de la conservation » (le fameux et confortable « on a toujours fait comme ça ») et une action résolument missionnaire de « l’Eglise en sortie », tournée vers « les périphéries existentielles » au risque de rencontres parfois décapantes.
La tentation du « Cathoéxit », d’un catholicisme replié sur ses frontières, est une impasse : elle a l’Evangile contre elle, les saints contre elle, le Christ lui-même contre elle.
Nous entrons dans une « semaine missionnaire » qui nous remet devant la parole de Jésus, au fondement de son Eglise : « Allez, de toutes les nations, faites des disciples » (Mt 28, 19). Et nous prierons pour ceux qui continuent d’entendre l’appel à offrir le trésor du Christ ressuscité à des peuples qui ne le connaissent pas encore. Nous prierons aussi pour notre propre nation où tant de nos frères ignorent la Bonne Nouvelle, vivant sans boussole et sans but, sans orient vers lequel se tourner et donner sens à leur existence.
Au constat d’un monde qui change et qui a désormais tourné le dos à sa culture chrétienne, certains chrétiens se sont résignés : « c’est ainsi ! », disent-ils. Pour ma part (et je fais miens les mots de Gérard Leclerc, dans le dernier numéro de la revue « France Catholique »), je dis « non, le christianisme n’a pas vocation à être enfermé dans une dimension régionale, comme s’il était l’opinion d’un groupe particulier, celui des chrétiens ».
Le second Congrès Mission s’est réuni tout récemment sur Paris. Dans ce cadre, Fabrice Hadjadj, philosophe et fondateur de l’institut Philantropos, emploie cette formule provocante qui rappelle l’urgence missionnaire : « On n’est pas là pour être des pratiquants… Nous devons porter du fruit ». Citant la formule de Saint Paul : « Malheur à moi si je n’évangélise pas », il redit l’urgence de retrouver l’enthousiasme missionnaire des premiers temps de l’Eglise. Puis, il ajoute : « N’attendons pas que le monde nous donne la permission de témoigner ».
Sortir pour témoigner. C’est une réalité ici, dans cette paroisse, savez-vous ? En arrivant au milieu de vous, je me réjouis de constater déjà l’élan missionnaire que déploient, de façon discrète mais aussi décomplexée, des jeunes adultes, des animatrices en Pastorale, des confirmands… Pour ne prendre que ces trois exemples dans mon quotidien récent. C’est bouleversant pour nous, prêtres, de voir qu’il y a encore des disciples rayonnants du Christ (« faites des disciples ») pour qui la « Maison Eglise » est aussi devenue « leur » maison, une maison où ils sont heureux avec l’envie que ça se sache !
De même qu’on peut se sentir Catalan et Espagnol tout à la fois, je crois qu’on peut se reconnaître et chrétien et français. Là s’arrête pour moi le parallèle ; mais il nous interdit de rêver qu’un jour tous les chrétiens cessent d’être des citoyens français ou que tous les citoyens français finissent par devenir chrétiens. Rappelons-nous : « levain dans la pâte »…
P. Rémy CROCHU