Notre-Dame ou la Corse ?

Le 15 décembre, le pape François se rend sur l’île de beauté pour une visite historique, à l’invitation du Cardinal François Bustillo, évêque d’Ajaccio.

La simultanéité avec l’ouverture officielle de la Cathédrale Notre-Dame de Paris (seulement 8 jours plus tôt) et le refus du pape d’y participer interrogent sur les motivations profondes de ce dernier. Et les médias ne manquent pas d’évoquer un conflit diplomatique larvé. Les contraintes de calendrier du pape sur les 7 et 8 décembre (un “consistoire” au cours duquel il créera 21 cardinaux) n’ont pas suffi pour clore le débat.

Est-ce un message du Saint Père à nos gouvernants ? Il n’est pas interdit de le penser si, comme certains l’ont déjà fait, on peut repérer des points de tension entre le Vatican et la France sur des questions comme le projet de légalisation du « droit à supprimer la vie humaine » ou encore l’inscription de l’avortement dans la Constitution, présentée comme une fierté nationale.

Nous n’avons, ni vous ni moi, assez d’éléments pour discerner sur les intentions du Souverain Pontife. Pour ma part, je m’en tiens à la raison invoquée : assister à un colloque sur « la religiosité populaire en Méditerranée ». Ce n’est pas non plus un secret que les récents liens d’amitié nés entre le pape et le cardinal Bustillo. Les deux hommes se connaissent et partagent une vision commune sur l’Église d’aujourd’hui.

Nous avons eu l’occasion, en octobre 2023, d’entendre l’évêque d’Ajaccio lors d’une conférence qu’il donnait dans le cadre du rassemblement « Kérygma », à Lourdes. Je traduis une impression largement partagée des participants en disant que son intervention nous a tous séduits.

Que le pape vienne alors rencontrer son ami français constitue une sorte de message adressé à la France. François vient rencontrer François pour nous dire qu’il n’est pas le gardien de monuments historiques mais le pasteur d’hommes et de femmes en chair et en os, que le Christ et l’Evangile nous demandent d’aimer jusqu’à leur donner notre vie. Malgré son âge et une santé précaire, le pape reste fidèle à ce qu’il n’a cessé de rappeler : l’importance de la fraternité entre les hommes, sans distinction de races ou de religions. En cela, il s’est inscrit dans la tradition d’un Saint François dont il a pris volontairement le nom au jour de son élection. Il n’a cessé depuis lors de nous redire que cette fraternité s’enracine dans le fait que nous sommes les fils et filles d’un même Père.

Certes, l’événement de Notre-Dame de Paris a suscité une émotion légitime qui a dépassé le cadre de Paris ou de la France. Un événement planétaire. Mais un événement qui ne doit pas nous détourner, pas même un instant, du regard que le Christ nous demande de porter sur nos frères, et en particulier les plus fragiles. La grande question qui nous sera posée, au jour de notre face à face avec Dieu sera celle-ci : « qu’as-tu fait de ton frère ? » (Genèse 4, 10). Et non : « qu’as-tu fait de la cathédrale de Paris ? »

Que personne ne s’imagine que cela puisse signifier qu’il ne fallait pas investir dans la reconstruction de cet édifice prestigieux. Notre admiration pour ceux qui y ont travaillé est totale, et les siècles à venir leur seront reconnaissants. Mais cet événement ne doit pas éclipser la priorité évangélique qui pousse le pape François à sortir du Vatican pour soutenir une Église qui sollicite son soutien dans ses combats quotidiens contre l’indifférence et la haine, pour la vie et pour la paix. Cessons de polémiquer pour « mener le bon combat » (Cf. 2 Timothée 4, 7).

Père Rémy CROCHU

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