Que ton règne vienne !

A la fin de la messe, une femme de la paroisse m’aborde : « Je me demande ce qu’est le Royaume dont parle l’Evangile ? ». Elle prolonge probablement une réflexion intérieure ou peut-être une distraction pendant l’homélie trop longue !

Évidemment, je me risque à une réponse rapide, extirpant de ma mémoire les dernières bribes de mon cours du séminaire sur le sujet : « Le Royaume, c’est l’Église du Christ dans son achèvement, à la fin des temps ; les saints nous précèdent dans le Royaume et nous, nous tendons vers lui, retenus encore par la vie en ce monde ». Je reconnais que cet embryon de conversation soulèverait davantage de questions qu’elle n’apporterait des réponses. Je me risquai cependant à expliquer que Jésus, dans son incarnation, est par lui-même le Royaume, présent au milieu de nous, et que ce Royaume — ce « Règne » dont parle le Notre-Père — a déjà commencé à se peupler « sur la terre » à travers ceux qui, depuis la Résurrection, vivent du Christ et de la grâce de l’Esprit.

Mais c’était sans compter sur un rebondissement d’apparence anodine : une image proposée par mon interlocutrice. Illustrant notre propos, elle se risque alors : « la femme enceinte qui porte en elle un enfant qui va bientôt sortir de son ventre pour grandir et devenir un homme. C’est un peu ça, non, le passage de l’Église au Royaume ? » Une image magnifique, que cette mère qu’elle est peut comprendre encore bien mieux que moi. L’Eglise est enceinte ; elle porte en elle ce peuple de Dieu en marche vers son accomplissement ; et le Royaume à venir est déjà tout en promesses dans le sein maternel de l’Eglise.

Me venait à l’esprit ce passage de la lettre aux Romains de Saint Paul où celui-ci explique que « la Création gémit dans les douleurs d’un enfantement qui dure encore (Rm 8). Or nous savons que, lors d’un accouchement, la femme est « en travail ». Ce travail qu’elle seule peut accomplir et qui peut aller jusqu’à lui coûter la vie. C’est véritablement un combat dont la victoire n’est acquise que dans la libération de l’enfant. Et Paul nous fait comprendre que si le Christ est le « premier-né d’entre les morts » il est un peu comme la tête de l’enfant qui a passé le col de l’utérus : la tête est passée, et le corps suivra. Saint Paul traduit lui-même : « le Christ est ressuscité d’entre les morts » pour être « le premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis dans la mort » (Ct 1Co 15, 20).

Nous allons célébrer la fête de Toussaint. Cette fête nous tourne résolument du côté de la vie ressuscitée et non du côté de la mort, de la mort regardée pour elle-même. Le même saint Paul écrit : « Quand tout sera mis sous le pouvoir du Fils, lui-même se mettra alors sous le pouvoir du Père qui lui aura tout soumis, et ainsi, Dieu sera tout en tous. » (Rm 15, 28). Voilà ce qu’est dès à présent le Royaume à venir : « Dieu tout en tous » !

Père Rémy CROCHU

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