Ouvrons nos portes !
L’été est une période de l’année où le rythme de vie change : le nôtre ou du moins celui de ceux qui nous entourent. Ce dernier dimanche, j’ai été une fois encore surpris par le renouvellement des visages lors de la messe dominicale. Nous rencontrerons des personnes connues et aimées le plus souvent. Nous rencontrerons inévitablement des personnes moins familières. Occasion d’enrichissements, même si cela peut parfois chahuter notre vie ordinaire.
L’hospitalité est une grande vertu évangélique. Au point que Dieu lui-même nous demande l’hospitalité, lui qui, en Jésus-Christ, est « venu chez les siens », et il nous a fait la promesse de nous accueillir dans son Royaume céleste où il « nous a préparé une place ».
Il y a donc dans l’expérience de l’hospitalité que nous accordons ou dont nous bénéficions une sorte d’école qui nous prédispose à la vie éternelle où nous serons « les heureux invités au repas des noces de l’Agneau », comme nous apprenons à le dire dans la nouvelle traduction du missel.
Le monde dans lequel nous vivons semble résister à cette vertu de l’hospitalité et, pire encore, il nous incite au « chacun pour soi ». En témoigne la construction de clôtures autour de nos maisons que nous justifions par les risques d’intrusions ou de « home-jacking » traumatisants. Alors qu’on les multiplie depuis des années dans nos villes, je suis frappé de voir ces clôtures se multiplier dans nos villages et jusqu’au fond de nos campagnes. Nos églises ne sont pas à l’écart de cette tendance. Et qui d’entre nous n’a pas fait l’expérience, dans ses voyages, d’une porte d’église résolument fermée ?
Qu’avons-nous de si précieux que nous ressentions le besoin de le protéger ? Car, si nos maisons attirent tant de convoitise, n’est-ce pas parce que nous vivons dans un mode où l’enrichissement profite honteusement à certains et pas à d’autres non moins méritants ? On rêverait alors que les plus riches soient, davantage que les plus pauvres, les victimes de leurs richesses. Mais, cela semble bien n’être pas le cas, et je connais des personnes aux revenus plus que modestes — de jeunes couples ou des retraités — qui ont subi un cambriolage qui les a dépouillés de leur peu. Quelle injustice !
Faut-il pour autant souhaiter à tous une même pauvreté franciscaine ? Sans doute pas. Mais, le scandale provient des inégalités de plus en plus criantes, lesquelles suscitent plus que jamais des envies jalouses. Notamment les jeunes chez qui se multiplient les pratiques nocives (alcool, drogue et autres addictions) ou qui vivent dans un cadre familial fragilisé (père absent, parents séparés, solitude).
Quelles voix se lèveront pour témoigner qu’il n’y a de véritable richesse que d’aimer et se sentir aimé ? Je me réjouis en ce sens d’entendre parler de nombreux jeunes adultes qui renoncent à une vie confortable, ayant compris que « l’argent ne fait pas le bonheur » (et qu’il n’y contribue pas non plus toujours !). Pour le dire autrement, la « joie parfaite » dont parle Saint François ne se trouve pas tant dans les choses acquises que dans les personnes rencontrées. En effet, les choses passent et les personnes demeurent. A la fin d’une messe, j’ai rejoint une famille qui se retrouvait à l’occasion de l’anniversaire de la sépulture de l’un de leurs proches. Comme il est bon de sentir dans leurs larmes d’amour la nostalgie de l’absent ! Comme s’ils sentaient au fond d’eux-mêmes que la Vie — la vraie vie ! — se moque de la mort, et que le temps viendrait des retrouvailles ! Le temps où, nous ayant ouvert tout grand ses portes, nous serons les hôtes de Dieu, entouré de ses nombreux convives, pour une noce éternelle !
Père Rémy CROCHU