“La grâce de Dieu”
Les temps que nous vivons peuvent paraître éprouvants, voire décourageants. En réalité, est-ce si spécifique à aujourd’hui ? En effet, toutes les générations ont pu traverser des troubles tels (guerres, tensions sociales, épidémies, etc.) que notre époque n’a pas grand-chose à envier aux précédentes. Si les épreuves n’ont jamais manqué, elles ont contribué à pousser chaque génération à s’en remettre à Dieu, et ce n’est pas la moindre des conséquences.
Nous traversons une période de crise multiforme (politique, sociale, économique, ecclésiale, morale) et
cette accumulation nous atteint : elle nous trouble, nous inquiète, nous déstabilise. Et, il me semble que tout nous pousse à poser un acte de foi dans la grâce de Dieu. Une grâce sans laquelle nous avançons avec le sentiment de nous épuiser et d’errer sans but véritable.
A longueur de page, l’évangile propose la figure de Jésus qui vient à la rencontre d’hommes ou de femmes de tous horizons, qui se penche sur eux et qui suscite en eux une lueur d’espérance. C’est cela la « grâce de Dieu ». Ce mot désigne « la bienveillance absolument gratuite que, de toute éternité, Dieu témoigne à l’homme en l’appelant à partager sa propre vie » (Eglise Catholique). Cette grâce est répandue par le Christ qui, aujourd’hui comme hier, passe dans la vie des hommes. Trois attitudes me semblent fondamentales, alors : demander grâce, rendre grâce et faire grâce. A redécouvrir ?
Demander grâce. C’est le cri des condamnés : « Pitié ! ». Un désir absolu d’être sauvé. Avons-nous le
sentiment d’avoir besoin d’être sauvé ? C’est peut-être ce qui manque le plus à beaucoup qui se contentent du confort précaire de leur petite vie. Dans l’Evangile, ce qui déclenche toujours les gestes de salut de Jésus, ce sont ces cris désespérés. Du reste, ce nom « Jésus » ne signifie-t-il pas « Dieu sauve » ?
Rendre grâce. Celui qui expérimente la grâce de Dieu ne peut qu’exprimer en retour sa reconnaissance. Cette reconnaissance s’impose. Elle est plus qu’un simple merci. C’est la conscience que — comme dit Jésus — « sans moi, vous ne pouvez rien faire ». Saint Augustin l’exprime ainsi : « Tout vient de toi, ô Père très bon : nous t’offrons les merveilles de ton amour. ».
Faire grâce. Car, comment ne pas le faire quand on a bénéficié soi-même de la grâce de Dieu ? Et si nous sommes si souvent ingrats les uns envers les autres, c’est probablement parce que nous ne savons pas assez demander la grâce de Dieu. Cette ingratitude (ce mot est de la même origine) constitue à travers les siècles une « hérésie » qu’on appelle le
« Pélagianisme » et qui consiste à penser que l’homme mérite par ses seuls efforts le Salut de Dieu. « Faire
grâce », c’est alors le plus grand cadeau que nous puissions offrir puisque c’est Dieu lui-même que nous
offrons.
Nous allons vivre prochainement un Congrès Mission en paroisse (le 29 septembre). Qu’on ne s’y trompe pas. Ce n’est pas un temps fort par lequel nous allons étaler notre savoir-faire, montrer nos « muscles » ! C’est une journée à travers laquelle nous verrons communautairement (et c’est déjà commencé !) que le Seigneur conduit son Église, et que c’est lui qui éveille les dons multiples de sa grâce pour que l’évangile continue d’être offert, accueilli et partagé à nos contemporains. Pas question de se tourner les pouces ; mais pas question de croire non plus que tout bon résultat est le fruit de nos efforts. Ce qu’une formule (attribuée tantôt à Luther, tantôt à Saint Ignace) résume ainsi : « Prie comme si tout dépendait de Dieu… et agis comme si tout dépendait de toi » !
Père Rémy CROCHU