
Action de grâce
Voici mon dernier message comme curé ! Je l’écris dans le souci de rejoindre chacun de vous, lecteurs, et en particulier ceux à qui je n’aurai pas trouvé l’occasion d’adresser quelque mot de remerciement et de reconnaissance. Que dire alors, qui ne soit pas perçu comme un exercice formel et finalement assez convenu ? Étant enfant, j’ai souvent entendu ma grand-mère maternelle, d’origine grecque, dire : « evkaristo » ! Traduisez : « merci » ! Mais vous aurez vous-mêmes reconnu le mot qui nous est si familier : eucharistie.
À chacun de vous, je voudrais dire : « eucharistie » ! C’est en effet dans « l’action de grâce » que je termine ces 8 années parmi vous. La grâce ! Dans « eucharistie », il y a ce mot « grâce », « karis », qu’on entend dès les débuts de l’évangile de Luc, lorsque l’ange salue la Vierge Marie : « Réjouis-toi, comblée de grâce ». Et « l’action de grâce » (eucharistie) n’est que le mouvement de retour, le geste reconnaissant de celui qui a bénéficié de la grâce première de Dieu : « Seigneur, je te rends-grâce ! »
Je rends grâce à Dieu pour chacune des rencontres vécues ici avec les uns et les autres. J’ai compris que chacune d’elles nous change, inévitablement, que nous le voulions ou non. Parfois profondément. Et il y aurait beaucoup de personnes à nommer : des plus jeunes aux plus âgés, des familles aux personnes seules, des chrétiens “depuis toujours” aux nouveaux convertis, de ceux que j’ai côtoyé fréquemment comme à ceux que je n’ai peut-être fait que croiser…
Je rends grâce pour les moments de qualité vécus durant toutes ces années : fêtes ou rassemblements, formations ou “Visitations”, messes, baptêmes, mariages ou sépultures, visites dans les écoles, dans les familles, dans diverses équipes…
Je rends grâce pour la fraternité sincère que nous avons établie avec un grand nombre, notamment ceux (et celles, le plus souvent !) avec qui j’ai eu la “grâce” de collaborer plus étroitement, cherchant ensemble à discerner les appels de Dieu, à peser “le pour et le contre”, jusqu’à devoir prendre parfois des décisions difficiles, crucifiantes.
Je rends grâce même pour les heures difficiles que nous avons dû traverser. Car il y en a eu, et pour n’en citer que quelques-unes : la crise du Covid et les confinements, la crise des abus en Eglise, la décision de renoncer à la messe dominicale dans certains clochers, la mort ou le départ des prêtres âgés, des incompréhensions douloureuses avec divers paroissiens. Pour n’évoquer que cela… Chaque épreuve aura été pour moi une raison de bien des insomnies, des colères secrètes ou des amertumes parfois… Mais, combien souvent ai-je été bouleversé alors par les signes de la fidélité de la grâce de Dieu qui n’abandonne pas son peuple !
Il est évident que je ne me suis pas toujours montré à la hauteur de la tâche ou du moins de ce que les uns et les autres espéraient de leur curé et pasteur. J’en demande ici sincèrement pardon. Pardon pour mes maladresses en paroles ou en gestes, mes manques d’encouragement, d’écoute, de disponibilité, mes promesses non tenues… Je n’attends pas qu’on me mette ici une note, une mention : j’aurais trop peur du résultat ! Croyez cependant que j’ai cherché à faire le moins possible écran au Christ. Je pars, mais c’est avec la certitude de vous Le laisser encore ! Et c’est désormais à d’autres pasteurs que cette charge continuera d’être confiée. Comme dit Sainte Thérèse d’Avila : « Tout passe, Dieu demeure ! » Frères, sœurs et amis : « que la grâce de Jésus-Christ notre Seigneur, l’amour de Dieu le Père et la communion du Saint-Esprit soit toujours avec vous » !
Père Rémy Crochu