« La grâce est venue à moi »
Peut-être avez-vous entendu parler de Jacques Fesch et lu un livre fameux — son journal — qui relate sa conversion : « Dans cinq heures, je verrai Dieu ». Personnellement, j’avais été très touché par ce récit d’un jeune qui, après le meurtre d’un policier, avait été condamné à la peine de mort et guillotiné en 1957. Et j’ai été heureux d’apprendre que la Cour de Cassation, sur la demande de son fils, devrait bientôt examiner sa demande de « rétablissement de l’honneur » de son père, en raison de son amendement durant sa détention. De quoi s’agit-il ?
Agé alors de 23 ans, Jacques, fils d’un directeur de banque belge, rêvait d’acquérir un bateau pour un tour du monde. Il s’était marié deux ans plus tôt avec une jeune femme avec laquelle il avait eu un enfant, mais ils avaient vite divorcé. Pour assouvir son désir de voyage, il décide de braquer une banque. L’opération tourne mal et il blesse mortellement un policier. Il est arrêté et incarcéré à la prison de la Santé, dans l’attente de son procès.
Jacques Fesch était amer et dépourvu du sens à donner à sa vie en ruines. Il a tout d’abord refusé les conseils de l’aumônier de la prison de la Santé, le père Jean Devoyod. Cependant, après un certain temps, il se mit à lire les livres que le prêtre et son avocat catholique lui avaient apportés, ainsi que celui de sa mère, nouvellement convertie à la foi, sur les apparitions de Notre Dame à Fatima.
Après une année de « souffrance profonde » et repenti, Fesch a trouvé le sens de sa vie dans la nuit du 28 février 1955. Il a rencontré « Celui qui attend sans relâche l’âme blessée et désespérée, celui qui veille sur moi alors que je chancelle sous le poids de ma croix. » Grâce à cette mystérieuse rencontre, Fesch est devenu un nouvel homme : « La grâce était venue à moi. Une grande joie a inondé mon âme ! »
Il a décrit la soudaineté de sa conversion : « En l’espace de quelques heures, je suis entré en possession de la foi avec une certitude absolue. Je croyais ! » Il ne comprenait pas comment il avait pu ne pas croire. Ses priorités ont changé instantanément : « Maintenant, Il est tout ce qui compte. Une main puissante m’a saisi. »
Face à la guillotine, il a compris : « A cause de nos péchés, il faut un remède très fort pour nous restaurer à la grâce. » Il en vient à penser : « Combien d’âmes ont été changées dans les camps de concentration ou sur les champs de bataille ? »
Le récit de sa dernière nuit est saisissant : « Dernier jour de lutte, demain à cette heure-ci, je serai au ciel. Que la volonté du Seigneur soit faite en toute chose. J’ai confiance dans l’amour de Jésus et je sais qu’il commandera à ses anges de me porter dans leurs mains. » Il offre sa mort pour le salut des âmes, en particulier pour son père qui persiste dans son athéisme.
Ce « bon larron » moderne me semble avoir encore beaucoup à apporter, notamment à ceux qui s’imaginent que leur sort devant Dieu est scellé, mais aussi à ceux qui sont tentés de se faire les juges de tous ceux qu’ils jugent criminels, souvent avant même que la justice se soit prononcée. On se souvient de la réponse du curé d’Ars à une femme lui parlant du suicide de son mari : sera-t-il condamné à vivre en Enfer ? « Entre le pont et l’eau, il y a la miséricorde de Dieu », avait répondu le saint curé.
Père Rémy CROCHU