Bas les masques !
Nous sortons du confinement avec nos visages masqués ! C’est la règle générale dans les lieux recevant du public comme nos églises ou nos maisons paroissiales, et il va bien falloir nous y faire. Je suis même convaincu que nous allons finir par nous y habituer, comme on s’est habitués à la ceinture de sécurité ou au tri sélectif. En espérant cependant que cela ne dure pas trop longtemps quand-même !
Le titre de cet éditorial peut alors sembler une incitation à la rébellion contre la règle établie. Il n’en est rien. Du moins, le chrétien, comme le Christ, n’a pas vocation à cela. Sans mélange, nous « rendons à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ».
Et justement, en transposant les choses au plan spirituel qui nous intéresse, nous constatons qu’une maladie (c’est bien un mot qu’emploie le pape François dans divers écrits), une maladie du chrétien, consiste à avancer « masqués » par les apparences derrière lesquelles, souvent inconsciemment, nous nous cachons : nous cherchons à montrer non pas ce que nous sommes mais ce que nous voudrions que les autres voient de nous. Nous cherchons à obéir à une certaine image de nous-mêmes, y compris une image de croyants, de pratiquants sincères qui font tout « comme il faut » ou « comme on nous a toujours dit de faire ».
Cela peut sembler juste, mais cela peut dissimuler une vision fausse de l’Église ou de soi. Une vision fausse de l’Église qui « commanderait » des manières de penser ou de faire. Une vision fausse de soi qui devrait se conformer à des règles extérieures et qui se désespère de ne jamais y parvenir. C’est ce qu’on peut appeler la « fausse religion ». Elle nous recouvre comme on se couvre d’un masque. Non pas un masque de protection mais un masque de dissimulation.
Nous allons fêter Pentecôte. Nous la fêterons masqués. Cependant, ce qui s’est passé il y a 2000 ans, c’est un groupe de chrétiens, saisis par l’Esprit-Saint qui sont sortis de leur confinement… sans masques ! Quels changements pour chacun d’eux ! Des disciples abattus par la mort du Maître, ils sont passés à la joie des témoins de sa résurrection. Des croyants assujettis à toutes sortes de règles, de coutumes et de loi, ils sont entrés dans la joie de la foi qui transporte les montagnes et met le cœur en paix. Des disciples qui prétendent pouvoir faire ce que fait Jésus — « Je te suivrai partout où tu iras ! » (Lc 9, 57) — Ils passent aux disciples humbles et audacieux, qui laissent la grâce de Dieu agir à travers eux : « Dans toutes nos œuvres, Seigneur, toi-même agis pour nous » (Isaïe 26, 12).
J’ai la conviction que le temps du confinement, dans tout ce qu’il a pu bousculer dans nos habitudes, a cependant favorisé des petits changements qu’il ne faudrait pas trop vite oublier. Comme la prière en famille, l’attention aux plus pauvres ou aux plus isolés, la communion fraternelle, la conscience des conséquences de nos actes sur la bonne marche du monde. L’Esprit-Saint a bien travaillé durant cette période. Qu’il continue son œuvre sur nous et nous fasse tomber les masques !
Père Rémy CROCHU