La vie est don

Le temps de noël nous fait à nouveau méditer le grand mystère de Dieu éternel venu épouser notre existence mortelle et nous avons pu nous laisser émouvoir par la contemplation de son humilité, à la crèche. Qu’y a-t-il de plus beau et de plus enthousiasmant que la venue au monde d’un enfant ?

Qu’y a-t-il de plus triste et douloureux, a contrario, que la mort d’un enfant ? Ces derniers jours, j’ai eu la charge de présider les funérailles d’une petite de 6 ans. Au moment de Noël 2018, les parents apprenaient qu’elle avait une tumeur au cerveau. Après une année de lutte incessante contre la maladie, à Noël dernier, son état de santé s’est brutalement dégradé et, à la veille de la nouvelle année, elle faisait son passage à Dieu.

Situation évidemment hors normes et la foule nombreuse venue aux obsèques témoignait de sa stupéfaction, quand ce n’était pas de sa révolte. Pourquoi ?

Nous sommes dans une période de l’histoire de notre pays qui se soucie, non sans un certain courage et non sans inquiétudes, de l’évolution d’un régime de retraite qui doit prendre notamment en compte l’allongement de la durée moyenne de la vie et de la baisse constante de la natalité depuis 50 ans. Cela fait des années que j’entends ce refrain : « qui paiera demain nos retraites ? » Et voilà : nous y sommes (je fêterai en 2020 mes 60 ans !).

Mais cette question est celle de gens qui se disent : « si tout se passe bien, je suis bon pour 20 ou 30 ans d’années de douce retraite. »

Mais, la petite qui est partie ces derniers jours n’a pas eu le temps de se poser ce genre de questions. En revanche, je sais qu’à défaut de pouvoir se projeter des années en avant, elle a choisi de vivre intensément dans le présent. Elle nous a involontairement rappelé que la vie n’est pas un dû mais un don. Et « Quel avantage, en effet, un homme aura-t-il à gagner le monde entier, si c’est au prix de sa vie ? » (Mt 16, 26).

Je dois vous avouer que je suis troublé par le contraste entre l’énergie dépensée par certains pour défendre des acquis sociaux avantageux au même moment où des parents perdent, et définitivement, ce qu’ils avaient de plus cher au monde.

Comme il est difficile à la fraternité ou la solidarité d’être plus que des mots et des slogans ! Nous regardons à partir de nos intérêts et si peu à partir de ceux des autres. Ou si c’est en pensant aux autres (notamment les générations montantes), ce sera en pensant d’abord à notre bénéfice immédiat et personnel.

L’Enfant de la crèche a, lui, inversé la perspective : il a vécu dans le don permanent de sa vie, jusqu’à la croix. Et on peut lui appliquer fort bien la formule d’Alexandre Dumas : « Un pour tous ; tous pour un. » A lui… Et à nous avec lui, non ? Des parents et leur fille ont, ces jours-ci, témoigné de la grandeur d’une vie qui se donne. Notre évêque le fait à sa manière en acceptant une nouvelle mission. D’autres le font par leur amour fidèle dans l’épreuve, la violence subie, la misère ou simplement la vieillesse. Dis-moi : qu’y a-t-il de plus grand que de donner ta vie ?

Père Rémy CROCHU

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